Neurodiversité et santé : on peut faire mieux, et on sait comment!

Tu attends dans la salle d’urgence. Trop de bruit, trop de lumière. Tu t’es préparé(e), mais quand vient ton tour, rien ne sort comme prévu. On te regarde, sans comprendre. Tu te refermes. C’est frustrant, épuisant.
Ça, c’est l’expérience vécue par plusieurs personnes neurodivergentes dans la première ligne du système de santé et de services sociaux.
Elle-même neurodivergente, la chercheuse et psychoéducatrice Julie-Christine Cotton a voulu comprendre.
Qu’est-ce qui bloque l’accès à des soins et services plus inclusifs et humains?
C’est quoi la première ligne?
C’est la porte d’entrée du système de santé et de services sociaux. Là où on reçoit des soins et services, sans référence obligatoire :
- Cliniques sans rendez-vous
- Services psychosociaux de base (intervenants en CLSC)
- Groupes de médecine de famille (GMF)
- Infirmières praticiennes spécialisées (IPS)
- Guichets d’accès pour la santé mentale ou pour les personnes sans médecin de famille
- Info-Santé (811)
Travailler main dans la main avec les personnes neurodivergentes
Julie-Christine s’est intéressée à l’expérience vécue par les personnes neurodivergentes et a exploré les pratiques actuelles. Elle a fait équipe avec une ergothérapeute et deux personnes qui vivent avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA). À partir de leur analyse et des pistes de solution proposées par les personnes rencontrées, elles ont dressé un portrait clair. Ce qui fonctionne, et surtout ce qui coince.
Trois grands problèmes ressortent :
- Le système a été pensé pour un seul type de fonctionnement du cerveau : celui qui correspond à la « norme ».
- Les personnes neurodivergentes sont souvent perçues comme « compliquées », alors qu’elles sont simplement différentes.
- Les professionnels manquent de formation pour bien comprendre et accompagner les personnes neurodivergentes.
Ça cause différents problèmes :
- Les personnes neurodivergentes cachent qui elles sont pour « rentrer dans le moule », et ça les fatigue beaucoup.
- On ne comprend pas bien leurs besoins. On ne les aide donc pas adéquatement.
- Sans outils adaptés, ça cause des erreurs, de l’exclusion, et de la souffrance qui pourraient être évitées.
« Être neurodivergent, ça ne se voit pas toujours. Et quand ça ne paraît pas, certaines personnes banalisent et généralisent. Par exemple, on m’a déjà dit : ‘Tout le monde est un peu autiste, non?’ Pourtant, nos besoins sont bien réels et différents. C’est important de bien comprendre cette réalité pour la reconnaître et s’y adapter. » nous partage Alison Jolly, qui vit avec un TSA et qui a collaboré au projet.
Une personne sur cinq est neurodivergente
Autisme, TDAH, troubles « Dys », douance, déficience intellectuelle… Leur cerveau fonctionne autrement, et c’est une richesse. C’est important de le reconnaître pour mieux soutenir ces personnes.
La bonne nouvelle? On sait quoi faire.
Julie-Christine propose des solutions simples, efficaces et concrètes :
- Former les professionnels à la neurodiversité.
- Adapter les façons d’évaluer, de communiquer et d’accompagner (p. ex. : offrir plus de téléconsultation).
- Aménager les lieux pour réduire le stress et la surcharge sensorielle (p. ex. : lumière douce, moins de bruit).
- Créer des outils adaptés en collaboration avec les personnes neurodivergentes et les organismes communautaires qui gravitent autour d’elles.
- Mettre en place des moyens pour prévenir la stigmatisation, la discrimination et les traitements inéquitables.
- Identifier des personnes-ressources spécialisées dans le système de santé et de services sociaux.
- Reconnaître et respecter les comportements spécifiques des personnes neurodivergentes, sans jugement.
- Faire plus de sensibilisation, une formation, une discussion à la fois.
- Poursuivre la recherche sur la neurodiversité en impliquant les personnes neurodivergentes.
« Ce n’est pas seulement aux personnes neurodivergentes de s’adapter : le système doit aussi évoluer! En rendant les services de première ligne plus accessibles et ouverts à une variété de façons de communiquer, ils deviennent à la fois plus efficaces et humains — pour tout le monde, y compris les personnes qui y travaillent. » explique Julie-Christine, elle-même neurodivergente.
Un système plus humain, pour tout le monde
Grâce à la recherche de Julie-Christine, on a des solutions concrètes pour transformer la première ligne, pour la rendre plus inclusive et plus juste. Parce que comprendre la neurodiversité, c’est mieux soigner.
« Ça me donne de l’espoir de voir qu’il y a des personnes qui s’intéressent à la neurodiversité, et qui font bouger les choses. Je vois chaque initiative comme un pas de plus pour rendre les milieux plus inclusifs et mieux adaptés. » confie Alison, qui est aussi infirmière à l’urgence en santé mentale de l’Hôtel-Dieu de Sherbrooke.
La démarche de la chercheuse s’inscrit dans le cadre d’un recueil d’avis d’experts qui vise à améliorer la première ligne, lequel va au-delà de la neurodivergence. Celui-ci a été initié par les deux Instituts universitaires de première ligne en santé et services sociaux du Québec
À propos de Julie-Christine :
- Chercheuse à l’Institut de première ligne en santé et services sociaux du CIUSSS de l’Estrie – CHUS
- Professeure agrégée à l’Université de Sherbrooke
- Membre associée au Groupe de recherche et d’intervention sur les adaptations sociales de l’enfance
- Membre du Centre d’études et de recherches sur les transitions et l’apprentissage
Crédit photo : Université de Sherbrooke